Editos
Éditoriaux septembre 2024 – janvier 2025
La Fabrique de l’Imagination et de l’Art
Relisant « Le crime parfait » de Baudrillard, un œil à la recherche d’une de ces citations percutantes que j’ai l’habitude de trouver chez cet auteur
et un autre œil sur mon smartphone comme le font si bien mes contemporain·e·s à la recherche d’une idée pour cet édito, je suis tombée sur un texte attribué à Borgès et qui m’a stupéfiée.
Dans le dernier chapitre du dit ouvrage de Baudrillard, intitulé « La revanche du peuple des miroirs », il cite un texte de Borgès. Voici ce que j’ai lu :
« En ce temps-là, le monde des miroirs et le monde des hommes n’étaient pas isolés l’un de l’autre. Ils étaient en outre très différents – ni les êtres, ni les formes, ni les couleurs ne coïncidaient. Les deux royaumes, celui des miroirs et l’humain, vivaient en paix. On entrait et on sortait des miroirs. Une nuit, les gens des miroirs envahirent la terre. Leur force était grande, mais après de sanglantes batailles, les arts magiques de l’Empereur Jaune prévalurent. Celui-ci repoussa les envahisseurs, les emprisonna dans les miroirs et leur imposa la tâche de répéter, comme en une espèce de rêve, tous les actes des hommes. Il les priva de leur force et de leur figure et les réduisit à de simples reflets serviles. Un jour pourtant, ils secoueront cette léthargie magique… Les formes commenceront à se réveiller.
Elles diffèreront peu à peu de nous, nous imiteront de moins en moins.
Elles briseront les barrières de verre et de métal et cette fois elles ne seront pas vaincues. »
Dans ce texte, Borges décrit une mythologie (fictive comme à son habitude) selon laquelle les miroirs étaient autrefois des portails, des fenêtres vers un univers parallèle, menant à un autre monde habité par des créatures identiques aux humains mais hostiles à eux. Ce texte évoque la nature de notre identité, la dualité de l’être et les frontières entre la réalité et l’imaginaire, mais au- delà, j’y vois une métaphore pertinente et contemporaine de nos rapports ambigus avec les intelligences artificielles (IA).
En effet, tout comme le peuple des miroirs est contraint de refléter les actions des humains, les IA apprennent en imitant et en reproduisant nos comportements. Elles sont souvent créées à partir de vastes ensembles de données générées par les humains et développent leurs capacités en « analysant » et en répliquant des modèles trouvés dans ces données. Dans la fable de Borgès, le peuple des miroirs représente une version alternative et parfois antagoniste de l’humanité. De même, les IA peuvent être perçues à la fois comme des aides puissantes et comme des entités potentiellement antagonistes, dépendant de leur utilisation et des intentions de leurs créateur·ice·s. Les miroirs, quant à eux, posent des questions sur la nature de la réalité et de la perception. Elles brouillent les lignes entre ce qui est réel et ce qui est généré artificiellement, modifiant notre perception du monde. Bien que puissantes, les IA sont normalement ( !) sous le contrôle de leurs programmeur.euse.s et utilisateur.ice.s, limitées par les cadres et les règles qui leur sont imposés.
Borgès évoque notre image dans le miroir comme un reflet qui n’aurait rien d’innocent mais aurait le statut d’une altérité prisonnière.
Que se passerait-il si un jour cet esclavage de l’imitation se brisait ? Comment ferions-nous face à cette résurgence ?
Dans son ouvrage, Baudrillard explore la disparition de l’illusion et la dissolution du concept de réalité dans un monde saturé par les simulacres et les représentations. À travers sa pensée, les miroirs de Borges peuvent ainsi être vus comme des vecteurs d’une hyperréalité, où les reflets ne sont plus simplement des copies fidèles mais des entités autonomes qui participent à une réalité parallèle.
Il s’agit également pour moi d’une interrogation fondamentale sur les conséquences de notre vie sur terre où les frontières entre l’original et la copie, le réel et l’imaginaire, sont constamment remises en question.
À la Fabrique de Théâtre, cette première partie de saison sera en partie consacrée à ces thématiques avec le dispositif numérique APREM qui posera notamment cette question :
Pourrons-nous éviter qu’un jour les intelligences artificielles ne brisent les barrières de verre et de métal qui les retiennent et ne viennent nous crier en pleine face :
I’ll not be your mirror ! Anymore !
Valérie Cordy
Directrice de la Fabrique de Théâtre
Éditoriaux février – juin 2024
Et si le propre du passé était qu’il nous rattrape toujours ?
Guerres, massacres, égoïsmes et pillages.
Les « plus jamais ça » ravalés au rang de slogans. Comme un exercice de bonne conscience. Et l’on sait ce que l’on peut penser de la bonne conscience.
Et tous ces mots dévoyés : théâtre des opérations, actes de barbarie, scènes de crime, drame et tragédie.
Autant de mots à se réapproprier, pour les débarrasser de leur odeur de sang, d’acier et de cendres.
Revenir au théâtre comme assemblée du peuple.
Non pour l’édifier ou le distraire, le peuple, on s’en charge très bien par ailleurs.
Mais pour partager la parole, les désirs et les rêves.
Pour remettre le passé dans sa gangue, dans son sépulcre.
Bouillon fécond où ce passé se dissout, où le futur affleure dans l’écume naissante.
Éloge du mélange, de la fiole de l’alchimiste.
La Fabrique.
Profiter sans modération de ce lieu précieux de l’ébullition.
Je vous souhaite une année 2024 plus humaine, plus libre et plus fraternelle.
La Députée provinciale en charge de la Culture et du Tourisme
La Fabrique des Stratégies Obliques
Je viens de retourner une carte, au hasard,
de cet étrange jeu qui n’en est pas tout à fait un : « les stratégies obliques ». En apparence, il s’agit d’un jeu de cartes. 113 cartes d’un noir profond d’un côté et d’un blanc immaculé de l’autre.
Sur chaque face blanche, une phrase.
Fais confiance à ton moi présent.
Inventé par Brian Eno et Peter Schmidt en 1975, le jeu des stratégies obliques est également sous-titré « Plus de cent dilemmes qui en valent la peine ».
Au loin, très loin, j’entends « Dancing Queen ».
Everything is fine
You’re in the mood for a dance
(Tout va bien / Tu es d’humeur à danser)
Mon moi présent se situe aujourd’hui au milieu des années 70, semble t-il.
Ce jeu, très énigmatique, peut être un instrument de travail puissant pour les artistes en manque d’inspiration, bloqués dans leur chemin créatif.
Arrête-toi un moment
Me dit la carte que je viens de retourner.
Il y a de l’avidité à retourner une carte puis une autre. Dans ce monde un peu perdu, un peu au bout du chemin.
Ça parle.
Perdue en territoire inutile
Oui, c’est exactement cela. Nous sommes perdu·e·s en territoire inutile.
Plongeons donc dans l’exploration du théâtre en tant que catalyseur du changement. Comment les dramaturgies contemporaines abordent-elles les enjeux de notre monde en feu et les questions qui le traversent ?
Abats ton jeu
Comment le théâtre peut-il sensibiliser, inspirer le public à travers des récits intenses ?
Humanise quelque chose dénué d’erreur
Bienvenue dans notre Fabrique, où chaque carte vous réserve une découverte, et chaque stratégie trace un chemin vers l’inconnu.
Est-ce fini ?
Oui. Pour l’instant.
Valérie Cordy
Directrice de la Fabrique de Théâtre
Éditoriaux septembre 2023 – février 2024
La Fabrique de l’Imagination et de l’Art
Chat GPT à Valérie Cordy – J’espère que cette version vous plaira ! N’hésitez pas à l’adapter selon vos préférences et votre contexte spécifique. Bonne rédaction de votre édito !
Inspirer l’Imagination et l’Art à travers une réflexion profonde.
La scène est prête, les projecteurs sont allumés et la Fabrique de Théâtre est sur le point de se lancer dans une saison audacieuse, qui explore les méandres de l’IA. Mais attention, cette fois-ci, IA ne signifie pas seulement « intelligence artificielle», mais surtout «Imagination et Art ».
À travers cette programmation théâtrale innovante, nous souhaitons susciter votre imagination, éveiller votre curiosité et vous inviter à plonger dans des univers où l’Art devient un outil puissant pour explo- rer les défis de notre époque. Au-delà de l’intelligence artificielle, nous nous interrogeons sur les thèmes qui résonnent profondément en nous, sur la recherche de sens et sur notre humanité.
Les pièces soigneusement sélectionnées par la Fabrique de Théâtre vous emmèneront dans des voyages émotionnels et intellectuels. Elles aborderont des questions sociétales brûlantes, des enjeux existentiels et des histoires captivantes qui vous feront réfléchir et remettre en question les normes établies.
En participant à nos représentations, vous serez plongés dans des mondes imaginaires où l’Imagination et l’Art se mêlent à des réflexions profondes sur notre époque. Vous serez transportés par les talents des artistes, qui donnent vie aux personnages, aux émotions et aux idées avec passion et créativité.
La Fabrique de Théâtre vous invite à laisser libre cours à votre imagination, à embrasser l’Art sous toutes ses formes et à participer à une exploration sans limites. Que vous soyez un passionné de théâtre chevronné ou que vous découvriez cet univers pour la première fois, notre programmation diversifiée vous réserve des moments inoubliables.
Consultez notre site web fabrique-theatre.be pour découvrir la programmation complète et réserver vos places. Rejoignez-nous dans cette aventure où l’Imagination et l’Art se rencontrent pour nourrir notre réflexion et nourrir notre humanité.
La Fabrique de Théâtre vous invite à explorer de nouveaux horizons et à embrasser les possibilités infinies de l’Imagination et de l’Art. Êtes-vous prêts à vivre une expérience qui transcende les limites de la scène ?
Valérie Cordy à Chat GPT – Bon… Bof… D’accord
Chat GPT à Valérie Cordy – Je suis désolé si cette version de l’édito ne correspond pas exactement à ce que vous recherchiez. Si vous avez d’autres demandes ou des modifications spécifiques que vous souhaitez apporter, n’hésitez pas à me le faire savoir. Je suis là pour vous aider.
Valérie Cordy à Chat GPT – Ok merci.
Chat GPT à Valérie Cordy – De rien ! Je suis là pour vous aider. Si vous avez d’autres questions ou besoin d’assistance supplémentaire, n’hésitez pas à me le faire savoir. Bonne rédaction de votre édito !
Valérie Cordy à Chat GPT – Hum?
Valérie Cordy
Directrice de la Fabrique de Théâtre
Avec notre intelligence qui s’artificialise, avec nos moindres désirs décryptés, anticipés, par les algorithmes, avec ces guerres dont nous ne voulions
plus mais que nous regardons, distraits, sur nos smartphones, ou que
nous ignorons parce qu’il y en a trop, avec cette planète qui se réchauffe inexorablement à coups d’ouragans, de nouveaux déserts et d’espèces qui s’éteignent, pour toujours…
Comment démêler l’inextricable écheveau du sens de nos vies et des valeurs qui fondent, ou pas, notre société ?
Qu’allons-nous devenir ? Qui serons-nous demain ? Ecoutons la philosophe Barbara STIEGLER.
« Plutôt que de se donner un agenda mondial et de contempler lucidement la fin du monde, plutôt que de se soumettre à un agenda national
pour affronter le verdict des urnes et retourner nous coucher découragés, il s’agit de dés-automatiser nos conduites et de renouer avec un rapport critique à ce qui nous entoure. Il s’agit au fond de redonner à nos métiers de soin, d’éducation et de santé leur sens et leur légitimité sociale,
qui n’est pas seulement de produire de la connaissance ou de la santé, mais d’abord de la pensée, capable de faire face à ce qui nous arrive. »1.
Comprendre et faire face : c’est à cette tâche essentielle
que va s’attacher une fois encore la nouvelle saison de La Fabrique.
De quoi ne rien manquer des spectacles, des rencontres et
du foisonnement d’idées que son inventive équipe nous propose.
Bonne lecture !
La Députée provinciale en charge de la Culture et du Tourisme
1 in Du cap aux grèves, Verdier, 2020
Éditorial février – juin 2023
Il y a celles et ceux qui ne regretteront pas 2022 et celles et ceux qui appréhendent déjà 2023.
Il y en a même des perdu.es ou desespéré.es, qui ne savent pas s’il faut espérer encore quelque chose de positif dans les années à venir.
Il y en a encore qui, bien que souvent entrainé·e·s à se taire, ont fait du rêve et de l’imaginaire des outils puissants de la construction d’un futur souhaitable. Parce que le monde tel qu’il advient, instable et en métamorphose permanente, oscille dangereusement entre le pire et le meilleur.
Nous sommes dans le monde qui, comme Gramsci le soulignait en son temps, se trouve dans le clair-obscur du surgissement des monstres.
Alors, en attendant des jours meilleurs, à la Fabrique de Théâtre, nous rêvons d’un avenir radieux. Nous mettons toute notre énergie à penser, construire, imaginer, porter, interroger les jours d’après.
Avec.
Avec les artistes et les créations que nous accueillons en résidences, avec la diffusion de spectacles en partenariat avec les Centres culturels du Hainaut, avec tou·te·s les opérateur·ice·s culturel·le·s, avec les outils de l’éducation permanente et les outils artistiques.
Nous rêvons. Avec.
Nous rêvons un après les crises qui se succèdent, un après baigné de soleil où les printemps ne seront plus silencieux, où les étés ne seront plus si chauds et les hivers bien froids comme il se doit. Nous rêvons un après qui ne sera pas une utopie mais notre réalité renouvelée.
Gardons toujours en tête cette image de la solitude de Greta Thunberg à l’âge de 15 ans, assise toute seule devant le parlement de Stockholm avec son sac et sa pancarte « grève de l’école pour le climat ».
Et juste après ?
L’image des foules de jeunes avec des milliers de pancartes, partout dans le monde.
Rêver petit nous accable.
Rêver grand et rêver nombreux nous grandit.
Valérie Cordy
Directrice de la Fabrique de Théâtre
Éditoriaux septembre 2022 – février 2023
Nous pensions que les guerres ne nous concernaient plus, qu’elles étaient une affaire de contrées éloignées, de terres étrangères. Nous nous accommodions finalement plutôt bien de cette misère tantôt dissimulée sous un carton, tantôt exotique en pages « Monde » de notre revue de presse matinale. Nous étions convaincus que consommer tout et n’importe quoi, à tous moments et selon nos moindres désirs, était l’essence même du progrès, l’aboutissement de notre humanité.
Mais nous avions oublié que la Terre est un espace fini, qu’il n’y en a pas d’autre et qu’elle peut se passer de nous. Et que ce serait mieux pour elle. Comme nous avions oublié que tout se mondialise, que les responsabilités d’hier s’assument tôt ou tard, que le mépris peut être un boomerang.
Nous pensions avoir raison sur tout et voilà que tout vacille.
Et pourtant, nos artistes n’ont eu de cesse de nous mettre en garde, de tenter d’arrêter le train fou dans lequel nous avons embarqué. Léo Ferré écrivait : Il y a vingt mille ans qu’ils te rentrent dans l’œil Il y a vingt mille ans que tu ne les vois pas
La Fabrique est de ces lieux où l’on cultive l’exigence de la lucidité, où l’on tente d’imposer la lumière au cœur de nos parts d’ombre, dans les replis de nos indifférences.
Cette nouvelle saison poursuivra ce travail minutieux : débusquer nos lâchetés, ausculter nos certitudes, esquisser un avenir meilleur.
Je vous souhaite une éclairante et passionnante rentrée.
Députée provinciale en charge de la Culture et du Tourisme
Sur la terre, c’est un jour comme les autres, un jour exceptionnel donc. Un mois de juin sur une autoroute. Les fenêtres de la voiture sont grandes ouvertes, pas de climatisation. Dans ce vacarme assourdissant ballottées par les vents violents qui caractérisent parfois le sud, nous accomplissons les derniers kilomètres qui nous séparent des remparts de la ville d’Avignon. Une architecture offensive autant que défensive. D’un autre temps, celui de la domination par la force. On peut sentir la lourdeur et la chaleur de la pierre blanche.
Dans ma valise deux livres choisis attentivement. « Personne » de Gwenaëlle Aubry et « Hommes » d’Emmanuelle Richard. Je les lis en parallèle, l’un répondant à l’autre.
À la droite de l’appartement que nous allons occuper quelques jours, un marchand de café, à la gauche
une enseigne qui annonce fièrement « tarot créatif ». Ne jamais chercher à savoir ce que l’avenir nous réserve. Ne pas se laisser tenter, oublier la chaleur étouffante. Tracer son chemin. Boire plutôt du café. Telles sont les premières injonctions.
Vient ensuite la part de la technique. Celle qui fait du théâtre un espace à part d’un monde dans
un autre et peut accueillir les discours autant que les actes. Un espace volontairement artificiel : il n’y avait rien, il y a maintenant quelque chose qui peut advenir, qui adviendra, à heure fixe, à durée déterminée à l’avance.
Pour finir, les plannings. Comment abattre autant de travail en si peu de temps, il faut s’organiser.
Inviter, transporter, loger tous les intervenant·e·s, tous les jours différent·e·s… Dialoguer, se mettre d’accord, donner le meilleur de nous-mêmes. Rire aussi, s’emporter parfois, ne jamais tomber dans le divertir, toujours regarder vers l’horizon, le plus loin possible.
Tels sont les premiers moments du spectacle « État du Monde, les chroniques » au Théâtre des Doms, vitrine des arts de la scène de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ce spectacle s’est joué du
06 au 28 juillet, tous les jours sauf quelques relâches.
Nous remercions ici toutes celles et tous ceux qui sont venu·e·s nous rejoindre sur scène pour décrypter l’état du monde, l’état de notre monde, le seul que nous avons. Définitivement.
Et maintenant, nous ouvrons une nouvelle saison théâtrale, riche en rêves et rencontres.
Valérie Cordy
Directrice de la Fabrique de Théâtre